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Des aquarelles qui racontent une histoire

séparation
aquarelle du fou aquarelle du marquis

Voici 2 aquarelles réalisées par Charles Eugène POIRIER dans le camp de Quedlinburg, l'une le 26 décembre 1916 et l'autre le 3 janvier 1917.

La première représente un homme vêtu d'un costume comportant une collerette dentelée ainsi qu'un bonnet d'âne, le tout bicolore, orange et jaune, et agrémenté de grelots. La taille est marquée par une ceinture marron. Les jambes sont revêtues d'un collant dont les pieds se terminent en pointe. Ce personnage porte dans sa main droite, un objet à grelots. Il s'agit d'un bouffon, ou fou, agitant sa marotte.

La seconde aquarelle représente un homme habillé dans un style Louis XVI. En effet, il porte une tunique verte retombant sur une culotte marron. Le mollet est habillé de bats blancs et le pied chaussé de souliers blancs à talons agrémentés d'un petit noeud sombre. Le personnage porte une cravate blanche lacée par un ruban sombre ainsi que des gants blancs. Ces cheveux blancs sont coiffés d'un chapeau sombre garnis de dorure et d'une plume blanche. Il s'agit d'un marquis.

signature

Que viennent faire les représentations d'un fou et d'un marquis dans un camp de prisonniers?
La réponse est donnée au-dessus de la signature de l'aquarelle du marquis par les mots: "Souvenir des fêtes de Noël 1916". Il s'agit en effet de souvenirs de la pièce de théâtre jouée par les prisonniers à Noël 1916. Le Tuyau, journal du camp, rapporte dans son numéro 9, 2ème année, page 4, daté du 4 janvier 1917 le déroulement de la soirée : "(.) Le public était dense et le service d'ordre qu'assuraient deux gardiens de la paix fut quelquefois submergé. Les paniers de la Marquise, les souliers blancs de Pierrette et le chapeau pointu de Colombine en souffrirent quelque peu. Un personnage nous parut cependant à l'aise dans cette cohue. Le fou qui gambade trois heures durant, criant, sautant, trébuchant, plein d'ardeur et inlassable. Rival peu dangereux, les privautés qu'il se permit à l'égard de leurs compagnes furent laissées impunies par un Pierrot débonnaire, un Arlequin jovial et un Marquis dédaigneux. Mais ses mille tours et ses bouffonneries lui valurent maintes fois l'honneur d'être admis au Quadrille des Maîtres où pour l'inviter peut-être à plus de calme, au concentrer davantage son attention, on ne lui permit comme partenaire qu'un petit page blanc. Les costumes étaient chatoyants et de la plus fine étoffe et seyaient à ravir les couples gracieux et fort avenants.(...)"

Qui est représenté?

henry henry




Le "marquis dédaigneux" fut joué par André HENRY. Nous le savons grâce à ce dessin que lui avait dédicacé POIRIER le 27 décembre 1916 et qui porte la mention "Au marquis d'un jour. Souvenir d'un joyeux Noël".






dudouit



Le fou, fut, sans certitude, probablement joué par Fernand CLEMENT. Son profil, que nous connaissons grâce à une photographie, correspond bien au profil du fou dessiné par POIRIER.




Le dessinateur

poirier poirier

Et POIRIER dans tout ça, qui était-il?
Charles Eugène POIRIER était bien connu de ces camarades prisonniers. Nous lui devons le monument du camp de Gardelegen d'où il fut transféré, en nombre 1916, vers le camp de Quedlinburg. Il semble s'être vite intégré puisque c'est lui qui fut chargé de sculpter le monument aux prisonniers morts de Quedlinburg dont il proposa une maquette dès février 1917.
Le voici en plein travail.
Il participa également à la rédaction du "Tuyau" car ses dessins firent la une des deux derniers numéros (il remplaçait alors l'ancien dessinateur, Philippe THOMAS, décédé le 19 mars 1917 de la tuberculose).


cadre
Il semble que POIRIER ait conservé ces 2 aquarelles. Il avait visiblement réalisé un encadrement de fortune. Elles étaient suspendues par un bout de tissu bleu, encore visible aujourd'hui. Puis, rentré en France, il les fit encadrer par un professionnel, peut-être à Dinard où il s'installa et où il réalisa de nombreuses sculptures, notamment une Marianne pour la mairie de la Richardais (en Ille-et -Vilaine).



D'autres dessins?

marquise

Existe-t-il des représentations d'autres personnages de ce Noël 1916?
Dessinées par POIRIER, nous ne connaissons que la tête de la marquise qui apparait sur le dessin dédicacé à André HENRY. Mais elle garde tout son mystère puisque nous ne savons pas qui jouait ce personnage.

Sources

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Archives personnelles.

Dessin dédicacé à André HENRY, et photo d'André HENRY, aimablement communiqués par Jean-Philippe HENRY, son petit-fils.

Voir le journal le Tuyau , n°9, 2ème année, page 4.