Extrait du récit des souvenirs de guerre de Ernest PIN

Pages 79 à 87, la fin de la guerre

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VERS LA FIN

Dès le début de 1918, les Commentateurs, selon le jargon des journalistes, et ils pullulent dans le camp, nous expliquent en des conférences secrètes que l'Allemagne, dans l'état actuel de son économie plus que de son potentiel militaire, ne pourra tenir bien longtemps, maintenant que l'Amérique s'engage à fond.
Un argument supplémentaire leur est fourni par les visites du Consul d'Espagne qui se font plus fréquentes. Venu au camp pour l'installation, il n'a guère reparu jusqu'à ce jour (on ne sait jamais, n'est-ce- pas??) on dit aussi que les rats s'enfuient quand le navire coule...
A ce sujet vous n'ignorez pas qu'aux termes de la Convention de la HAYE, au cours d'une guerre, tous les prisonniers de n'importe quelle nation sont placés sous la surveillance et la protection d'une puissance neutre qui opère par son Ambassade et ses Consuls.
C'est l'Espagne qui nous a pris en charge. Et c'est son Consul qui revient. Il se présente aux Officiers du Camp, puis se rend directement dans les locaux du Liebesgaben où il voit et reçoit les hommes dans l'ordre de leur inscription pour entendre leurs doléances.

Tous en ce moment poursuivent un double objectif: d'abord, faire cesser la vérification, parfois désastreuse, des colis venant de France;
puis faire hâter la visite des Grands Malades (souvent des Tuberculeux) que les deux nations ont décidé d'échanger, de même que déjà leurs grands blessés, surtout accélérer leur départ en SUISSE.

Pour les colis je dois dire que les Allemands au cours de leurs fouilles inopinées ont été frappés par la présence insolite de divers objets strictement interdits: boussoles, cartes géographiques, scies à métaux, etc... dont ils ne s'expliquaient pas le provenance jusqu'au jour où une indiscrétion intéressée leur avait signalé le véhicule des colis.
Depuis une visite minutieuse avait été organisée. Aucun colis n'était remis à son destinataire: tous sont sont entassés dans un local spécial où tous les jours, à une heure déterminée, des sentinelles spécialisées procèdent à l'ouverture de tout paquet fermé, toute boite soudée en présence de l'intéressé qui doit se munir de récipients pour emporter le contenu, tandis que les emballages restent la propriété des visiteurs.
Je revois mon brave LOMBARD, pliant sous la faix, appeler MARION à la rescousse.
Naturellement les Allemands n'ont pas fait fortune longtemps, non parents avertis ayant cessé tout envoi clandestin mais la visite a continué et certains prennent un malin plaisir à mélanger tout le contenu d'un colis de façon à tout perdre: car s'il est toujours possible de récupérer par un tri soigneux, riz, café, sucre, haricots, lentilles, pois ou pâtes alimentaires, par contre les confitures, pâtés de viande, plats cuisinés, huiles et beurre mélangés à du tabac par exemple sont inutilisables.
Il fallait alors entendre les "Bonne Mère"? de notre popotier...
Reconnaissons que l'intervention espagnole a produit son effet: dès son début les visites ont totalement cessé.

Pour les départs en SUISSE, une sorte de surenchère n'a pas tardé à s'établir, par suite d'interventions soit en France, soit en Suisse, soit en Espagne: ce ne sont pas toujours les plus malades qui sont partis tout d'abord; mais ceci est une autre histoire...

Maintenant suivre le cours des opérations militaires devient pour nous d'un intérêt capital.
En mai dernier, la puissance offensive allemande du Chemin des Dames nous avait fait un moment craindre le pire, mais la réaction vigoureuse des Alliés a fait remonter notre moral et lorsqu'en Champagne, l'armée de MANGIN dans une journée a crevé les lignes allemandes sur 25 kilomètres en profondeur, nous avons senti que c'était le commencement de la fin.

De ce jour, une grande carte du Front, cachée jusqu'ici, a été installée à la Salle, des Conférences et au moyen du Communiqué Français que le "BERLINER" continue à donner en entier chaque jour, nous pouvons par un jeu d'épingles, déplacer le fil rouge qui figure les lignes et d'un seul coup d'oil embrasser la situation. Les sentinelles le savent, mais pas de réaction de leur part.

C'est l'époque où ma qualité de Treuemann me permet au cours de mes déplacement, de frayer avec la population, d'entendre les conversations particulières dans les trains ou les autobus et de sentir que malgré les consignes sévères du silence officiel, l'angoisse monte dans les esprits et les cours: c'est bien leur tour?
Leurs pancartes du silence me rappellent les affiches apposées sur nos murs en 1914 "Taisez-vous? Méfiez-vous? Les oreilles ennemies vous écoutent"... Est ce la Justice immanente?

En attendant, l'affluence se fait chaque jour plus nombreuse devant la Grande Carte du Front: bientôt chaque baraque à la sienne: enfin on peut respirer librement et les commentaires vont bon train.
On applaudit vivement le succès local certes des troupes américaines qui ont réduit seules le saillant de St-Mihiel en Meuse: même s'il s'agit d'une victoire de complaisance, on sait maintenant qu'ils sont à pied d'ouvre.

LA DEBACLE

Vers la fin de septembre, il m'est donné d'assister au premier symptôme non douteux de la gravité de la situation.
Sur le quai de la gare, j'ai vu un FELDGRAU (leurs poilus) isolé, descendre du train avec tout son fourniment de la tenue de campagne, armes comprises.
Tout de suite un rassemblement important se forme autour de lui et les questions pleuvent. Tous veulent savoir qui il est, d'où il vient et surtout pourquoi est-il là?
J'apprends ainsi qu'il est un des rares survivants de son régiment engagé au centre du front dans un combat très dur. A la fin, il n'a plus retrouvé aucun de ses officiers: il s'est lui-même évacué vers l'arrière où personne ne s'est occupé de lui; il vient rejoindre son dépôt de Quedlinbourg. Il laisse prévoir qu'on en verra bien d'autres.
Désormais, les hommes des divers Kommandos, mis au courant de la situation, reviennent chaque jour au camp sur un rythme qui va s'accélérant, soit qu'ils sollicitent leur retour, soit que leurs Chefs de poste les invitent à rentrer, par peur de l'avenir, sans doute.
Bientôt les baraques se remplissent à nouveau, comme au début, d'hommes autrement excités et enthousiastes: ils sentent passer sur eux le souffle si vivifiant de la sainte LIBERTE.
Puis, la débâcle se précisant, on nous parle un jour d'un soulèvement des Marins de KIEL contre le pouvoir impérial. Leur premier objectif était de se saisir du Kaiser et du Kromprinz pour les faire passer en jugement, mais ces derniers ont pu se sauver en Hollande, parait-il.
Ils ont alors constitué un COMITE de MARINS et SOLDATS qui dans résistance et sans bruit, s'empare du pouvoir.
"Nous, Allemands, sommes des types à part: nous faisons de l'ordre avec du désordre" me disait naguère le Chef du Camp et il a raison...

Et un beau matin, se présente au Poste de police une Groupe de Marins qui, après avoir licencié nos gardiens, fait sonner le Rassemblement général sur Grande place du camp.
Alors, l'un d'eau (un dirigeant sans doute) grimpe sur le toit d'une baraque et dans un français presque correct, nous gratifie d'une harangue dont voici à peu près la teneur;

"CAMARADES (OH, OH)
Dans les diverses nations du monde entier, Nous, Marins de KIEL, savons que si un navire fait naufrage, le dernier à quitter le bord est son Commandant.
Or, notre infortunée Patrie, dans un désastre sans précédent, se trouve aujourd'hui au bord de l'abîme et nous avons la douloureuse honte d'avouer que son triste chef, le Kaiser Guillaume II, son fils le Kronprinz et leurs familles ont eu la lâcheté d'être les premiers à l'abandonner, en gagnant, à bord d'un avion militaire préparé d'avance, le sol d'une puissance neutre, la Hollande, qui a accepté de les accueillir.
Ils échappent ainsi pour le moment à notre vindicte.

Nous avons le glorieux dessein de prendre en mains les destinées de notre pays, d'étouffer, s'il le faut, dans le sang, toute tentative de rébellion, de faire du peuple allemand une grande démocratie libre, en y proclamant la République, comme en France.

Nous ne venons pas ici demander votre intervention ou votre appui, mais simplement votre promesse formelle de rester dans votre camp, calmes et sereins, de ne pas profiter de votre liberté pour organiser en ville des réunions ou des défilés qui pourraient gêner notre mouvement: car dès maintenant nous proclamons officiellement que vous êtes libres, c'est à dire en dehors de la discipline militaire.

Si toutefois vous ne vous rendiez pas à ces sages conseils, nous serions dans la triste obligation de demander aux quatre Miradors qui entourent votre camp d'exécuter leur consigne que vous connaissez bien.
Mais votre conviction est de ne pas en arriver là?

Après l'intérieur, notre souci majeur est le sort de notre armée. Certaines unités sont en pleine déroute, mais dans l'ensemble la retraite s'opère en bon ordre et nous savons qu'au prix du sacrifice suprême, s'il le faut, nos troupes feront payer très cher encore l'avance inéluctable des Alliés. C'est dans le but d'éviter un carnage inutile que nous allons demander un armistice prochain. Nous pourrons ainsi dans le calme et l'honneur préparer le matériel nécessaire à votre rapatriement que nous voulons opérer sans retard: vous l'avez su bien mérité.

CAMARADE, soyez avec nous, avec le Peuple Allemand dans sa libération d'un joug infamant et dans sa marche vers la LIBERTE."

Il a fini.
A sa péroraison enflammée nous répondons en chour et tête nue, par une puissante Marseillaise qui spontanément jaillit de nos 4 000 poitrines, déferle sur la campagne en vagues sonores et jusque sur la Ville.
Les Délégués, découverts, se figent en un Garde à vous sévère et nous leur donnons tous apaisements en regagnant dans le calme nos logements respectifs.

Leur mouvement a rapidement gagné tout le pays, sans incident sérieux.
Nous avons appris toutefois que le même jour, lorsque le DELEGUE s'est présenté à la Gare pour en prendre possession et donner ses nouvelles consignes, il s'est heurté à un jeune officier, retour du front, isolé, en tenue de campagne, qui a brutalement exigé de lui les marques de soumission servile. Le Délégué froidement lui a brûlé la cervelle à bout portant et son cadavre par ordre est resté 24 heures étendu sur le quai.
Sic transit...

Quatre jours après nous sommes complètement libres de nos allées et venues, et l'activité du Poste, maintenue à l'entrée du camp, se borne à ouvrir les portes le matin à 6 heures et les fermer à 9 heures du soir.

QUEL BONHEUR d'être enfin LIBRES, LIBRES?
Il nous reste maintenant à revoir les chers nôtres: voici 4 ans que la plupart soupirent après cet instant lumineux.

Pendant cette période qui a précédé l'armistice, nous pouvons donc visiter les environs de Quedlinbourg, entourés par la population d'une déférence certaine; donc troisième attitude des Allemands à notre égard (voir ci-dessus).
Ce qui nous attire tous, c'est le petit massif montagneux du HARD, dont nous sommes tout proches, où le BROCKEN avec ses 1100 mètres culmine sur l'immense plaine de l'Allemagne du Nord. Nous voulons voir sa splendide forêt domaniale, surtout à cette époque de l'automne où la Nature avant de s'endormir du sommeil de l'hiver semble vouloir jeter tout ses éclats et nous gratifier de ses derniers enchantements. Nous emporterons le souvenir d'une richesse de coloris et d'une chaleur de teintes peut-être inconnues en France et qui se présentera toujours à notre esprit à chaque évocation.
Nous visitons également la sombre vallée au fond de laquelle la nuit de Walpurgis tous les magiciens et toutes les sorcières se donnent rendez-vous, pendant que Faust et Marguerite viennent s'y rejoindre.
Pour que les habitants sachent que notre GOUNOD a tiré de ce sujet un pur chef-d'ouvre, nos ténors acceptent de leur chanter sur place quelques morceaux célèbres de ce merveilleux opéra.

De même, ce n'est plus en cachette que nous venons chez la mère Halleim, à l'Auberge des Lilas. Celle-ci regorge maintenant d'hommes redevenus libres qui ont gardé le sens de la reconnaissance. Elle nous a toujours trop bien accueillis quand il y avait quelque mérite à le faire, pour l'oublier aujourd'hui et ses menus, bien améliorés feront la transition entre le camp et la maison.

Nous décidons également de ne pas quitter le Pays sans qu'une délégations, CALVET en tête, ne vienne témoigner à Monsieur le Maire notre reconnaissance soit pour le Monument du Cimetière, soit pour toutes les interventions toujours efficaces en votre faveur.

En attendant, cette année, le lendemain de la Toussaint nous a vus réunis en un immense cortège au pied du Monument afin de prier pour nos Morts et leur promettre très solennellement d'emporter en France leur pieux et douloureux souvenir.
Que la Paix Éternelle leur soit donnée, qu'ils ont si bien méritée?

Puis, c'est le ONZE Novembre où tous les journaux, à grand renfort de tirages annoncent que l'Armistice est accordé aux troupes allemandes et sera signé en terre française.

Et pourquoi donc, s'il vous plaît?
Raisonnons un peu?

Il s'agit là d'un acte d'une telle importance (et personne ne me démentira) qu'il va régler tout l'avenir de la France et nous l'avons vu plus tard, de l'Europe entière, sinon du Monde.
Or, la France et ses Alliés sont des Démocraties, c'est à dire des Nations qui comportent le gouvernement du Peuple par le Peule. Si ces mots ne veulent rien dire et n'ont de sens que sur les pièces de monnaie? passons...
Mais s'ils doivent dicter aux Gouvernants les principes de leur action, y avait-il plus belle occasion de les mettre en pratique?
A ce moment-là, qui pouvait connaître mieux l'Allemagne (non seulement en surface; mais en profondeur) que ceux l'ayant habitée, étudiée, parcourue, palpée en quelque sorte pendant quatre longues années?
Qui mieux que nous pouvait donc dire quel traitement il convenait de lui appliquer?
La consultation était simple et facile. Chaque camp, par l'organe de son Président de Liebesgaben aurait donné son avis qui, j'en suis sur aurait été uniforme.
Et voici, je crois, l'essentiel.

I°) Avant tout, signature de l'armistice à BERLIN, comme les Prussiens qui en 1870 avaient exigé Versailles: au point de vue moral efficacité Kolossale?

2°) cela comportait, non une suspension d'armes, mais la continuation de l'avance victorieuse des Alliés en territoire allemand, en écrasant sans pitié tous les nids de résistance et détruisant au fur et à mesure de l'avance, tout le matériel de combat.

3°) on aurait rasé au passage toutes les usines (il n'en restait plus dans nos régions occupées) fait sauter à l'explosif toutes les installations militaires jusqu'en leurs fondations.

4°) occuper militairement tout le territoire en exigeant nourriture, soins de toutes sortes, et prélèvement de tout ce qui présentait une valeur avec imputation au besoin sur l'indemnité de guerre, tout en respectant ce qui touche à la vie des habitants.

5°) imposer une contribution de guerre en rapport avec leurs possibilités actuelles, soit en argent, soit en nature avec la garantie de l'occupation militaire. Est-ce que les Prussiens en 1870 n'avaient pas exigé un tribut de CINQ MILLIARDS de francs en or, chiffre extravagant pour l'époque et que la France s'était saignée à blanc pour payer en 3 ans afin de voir défiler le talon de la dernière botte allemande. C'était l'époque où l'on dictait aux petits écoliers le fameux problème: "Étant donné... combien faut-il de Wagons pour le transport" et où le brave Déroulède faisait chanter sur les planches: Belfort, La Dernière classe, le violon brisé, Le vieux Sergent, Adieu ma belle France! Vous n'aurez pas...

Oui tout cela il ne fallait pas l'oublier et alors:

I°) nous n'aurions pas eu la gêne de constater l'intense ébahissement IN IMO PECTORE de toute la population allemande, elle qui nous avait demandé notre appui "Quand les Français arriveraient".
Depuis un mois, l'homme de la rue nous arrêtait: Vous direz n'est-ce pas que nous ne vous avons jamais maltraités, etc car ce peuple aux aspirations aussi généreuses qu'un autre, sans soute, était trop imprégné de la devise brutale de ses mauvais bergers: "LA FORCE PRIME DE DROIT" et trop broyé par une implacable discipline militaire pour douter un instant du sort qui l'attendait: la réciprocité de son comportement dans nos "Pays Occupés" c'est à dire l'écrasement de nos 14 départements du Nord, pendant 4 ans, les souffrances inhumaines infligées à leurs habitants, les fusillades d'otages au moindre prétexte, les destructions systématiques (jusqu'à scier des arbres fruitiers) opérées tout propos, etc.

2°) De plus, nous n'aurions pas assisté à l'érection rapide et spontanée de tous ces arcs de triomphe dans les villes de garnison, pour accueillir leurs soldats retour du front (avec armes et bagages) et dont la banderole insolente claquait au vent et nous souffletait au passage:
"UNSEREN SOLDATEN UNBESIEGTEN"
A nos soldats invaincus
bientôt ne diraient-ils pas invincibles?

3°) Nous aurions ainsi pu, avoir le noble orgueil et nous en vanter, d'avoir accompli la mission sacrée de nos aînés qui le 2 août 1914 avaient écrit sur les fameus wagons (40 hommes 8 chevaux en long): A BERLIN... tandis que par une tragique et fatale réciprocité des guerres, les wagons allemands, à peu près les mêmes, portaient l'inscription: NACH PARIS?

4°) Au spectacle navrant de l'État vaincu se remettant sans retard au travail avec ses usines intactes, un matériel complet, ses villes inviolées, un moral en hausse, tandis que les nations victorieuses ne pouvaient songer qu'à panser leurs blessures saignantes encore, nous ne nous serions pas posé la terrible question: décidément où est le véritable vainqueur aujourd'hui?

Et que sera-ce dans dix ans: car nous la connaissons: elle fera tout pour échapper au sort qu'elle a si bien mérité.
Et l'avenir nous a donné raison: nous avons assisté à la retentissante faillite financière qu'elle a plus provoquée que subie, pour s'exonérer de tout paiement, comme un débiteur malhonnête qui se rend insolvable.
Tous ceux qui ont fait alors de l'occupation militaire en Allemagne ont assisté au spectacle pittoresque et navrant de la ménagère passant devant elle sa voiturette du marché, garnie au retour de quelques menues denrées mais tout occupée à l'aller par une immense poche garnie de billets (deutschmark) dévalués. Jusqu'au jour décidé d'avance où le Rentenmark, monnaie saine, venait annoncer la reprise allemande.
Et quand on a voulu lui rappeler ses engagements, elle s'est dérobée et si on avait trop insisté, elle était prête, on l'a senti, à nous dire: "Venez, on vous attends"?

Tout cela, direz-vous, c'est de la Politique? Mais précisément ce sont les Démocraties qui doivent faire de la politique et qu'elle soit loyale, honnête et suivie.
En 1917, lorsque Clémenceau a pris les rênes, ils a répété sans cesse: je dais la guerre? et il l'a faite jusqu'au bout: et il l'a GAGNEE...
C'est à ce moment-là qu'avec notre généralissime FOCH, ils étaient d'avis, parait-il, de mettre à exécution notre programme qu'ils ne connaissaient pourtant pas, ne l'ayant pas demandé, et qui se trouvait être le même, étant le seul logique. Mais ils se sont heurté au veto du Président WILSON dont le sentimentalisme béat n'avait d'égal que son ignorance totale de la situation.
Traite-t-on de même un chien enragé et un paisible toutou?
Ah, si les Américains avaient pu venir passer en toute liberté une semaine seulement avec nous, ils auraient compris?

"Et voilà ce que fait l'ignorance" (La F. VIII, 9)

Toutefois, les Parisiens ont pu assister à ce spectacle grandiose qui dilate les poitrines, du retour triomphal dans le giron de la Mère-Patrie des deux Provinces sours, arrachées de son sein en 1870.
Le Palais-Bourbon gardera longtemps le souvenir de cette séance d'apothéose où l'on a pu voir toute la Chambre debout bras levés frénétiquement et l'entendre entonner une Marseillaise victorieuse, pendant que CLEMENCEAU accueillait un par un, en les serrant dans ses bras, les nouveaux députés de l'Alsace et Lorraine.

Peut-être fallait-il toutes nos souffrances et tous nos sacrifices pour cette minute de Gloire et de Bonheur?

Voir la suite de son récit (épilogue).


Sources

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Récit dactylographié et manuscrit communiqué par sa petite-fille Bernadette VERDEIL.